L’opticien va-t-il concurrencer l’ophtalmo?


Pour pallier le manque d’ophtalmos, va-t-on déléguer aux opticiens diplômés en optométrie le soin de prescrire verres et lentilles? Une proposition de loi a été déposée en ce sens par un député UMP de l’Hérault. Sur fond de corporatisme, le sujet fait débat.

Trois mois, six mois, un an: les délais d’attente pour décrocher un rendez-vous chez l’ophtalmologiste s’allongent. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant en raison de la pénurie de ces médecins spécialistes conjuguée aux besoins croissants d’une population vieillissante. La loi de financement de la Sécurité sociale de 2007 a assoupli la réglementation en autorisant les opticiens à renouveler les lunettes correctrices de leurs clients de moins de 16 ans. Mais l’ordonnance médicale demeure obligatoire (elle doit dater de moins de trois ans) et cette nouvelle possibilité ne concerne pas les lentilles de contact. 

Une réponse à la pénurie

Pour désengorger les salles d’attente des ophtalmos, Elie Aboud, député UMP de l’Hérault, souhaite aller plus loin en faisant reconnaître la profession d’optométriste. Car selon cet élu, cardiologue de profession, l’optométrie «constitue une réponse simple, logique et adaptée» à la pénurie d’ophtalmologistes en France. Son texte propose d’ajouter au code de la Santé publique la possibilité pour les optométristes «de prescrire des verres correcteurs ainsi que des lentilles de contact et d’effectuer tous les examens nécessaires à la prescription, sauf pour les moins de 16 ans et sauf pour la première correction d’un trouble de la vision.» Les optométristes sont des opticiens qui ont poursuivi leurs études après le BTS par une formation en optométrie. En France, le diplôme national, qui, depuis 1991, était la maîtrise d’optométrie (bac +4), est devenu en 2004 un master de sciences de la vision (bac+5). Si cette formation existe, le métier, lui, n’est pas reconnu. Sur les 18.000 opticiens français, 2.500 auraient une maîtrise et 700 le master. Cette proposition de loi est loin de plaire à tout le monde. A commencer par le syndicat national des ophtalmologistes de France qui voit d’un très mauvais oeil l’arrive de cette «quatrième profession». «Nous savons que nous avons besoin de déléguer. Mais nous préférons avoir à nos côtés des orthoptistes qui sont formés dans les services ophtalmologiques universitaires», déclare Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalomologistes de France. «Les optométristes sont de très bons ingénieurs en sciences de la vision mais ils n’ont aucune pratique médicale et n’ont pas le cursus pour faire du dépistage. Les opticiens sont fondamentalement des commerçants. Or, si les prescripteurs sont aussi des vendeurs, on peut parier que les mutuelles regarderont à deux fois avant de rembourser les équipements optiques.» 

Les opticiens divisés

Evidemment, les syndicats d’optométristes, soucieux de valoriser leur savoir-faire, se réjouissent de cette proposition. «Notre profession est reconnue et réglementée dans 25 pays en Europe. Serons-nous encore les derniers en Europe par protection des lobbies?», s’interroge un opticien-optométriste du Sud-Finistère. Les optométristes semblent néanmoins bien isolés, d’autant que les pires ennemis sont peut-être dans leur propre camp. Car la reconnaissance de leur profession risque de provoquer une guerre commerciale entre les opticiens simples vendeurs de lunettes et les optométristes qui peuvent les vendre mais aussi les prescrire. Affaire à suivre.

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