Durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact


Contrairement à une idée reçue, la durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact, considérées comme des dispositifs médicaux, n’est pas régie par les mêmes textes que celle concernant les médicaments. Autant pour ces derniers, en fonction de la liste à laquelle ils appartiennent, leurs modalités de délivrance et de renouvellement sont claires et fondées sur le code de la santé publique, autant tel n’est pas le cas pour les lunettes, les lentilles de contact et leurs produits d’entretien. C’est souvent par une extrapolation, non fondée, aux dispositifs médicaux des textes relatifs aux médicaments que des réponses sont fournies par les organismes sociaux aux patients ou aux professionnels de santé en quête d’informations.

Il convient tout d’abord de s’entendre sur la notion de durée de validité. S’agit-il du moment entre la prescription et celui où le patient peut obtenir ses lunettes, ses lentilles ou son produit d’entretien ? S’agit-il du laps de temps durant lequel il peut faire renouveler son matériel ? S’agit-il enfin du temps durant lequel la Sécurité sociale, sa mutuelle ou sa complémentaire santé accepte de le rembourser des frais engagés ? Il n’existe pas une durée unique pour toutes ces situations et il convient donc de les différencier.

Suivant la directive 93/42/EEC, les verres correcteurs et la monture de lunettes sont des dispositifs médicaux de classe I, les lentilles de contact correctrices appartiennent à la classe IIa et leurs produits d’entretien à la classe IIb (en raison de leur risque potentiellement élevé pour la santé).

Le cas des lunettes, des lentilles de contact ou d’un produit d’entretien vendus sans prescription médicale, et donc sans examen permettant le dépistage de maladies telles que le glaucome, l’atteinte de la rétine par un diabète ou par l’âge ou d’un défaut visuel qui passe souvent inaperçu chez l’enfant, ne sera pas évoqué ici. La santé visuelle ne se résume pas à un simple « examen de vue », même s’il est tentant pour des raisons d’économies de santé et de démographie médicale, de le laisser croire aux assurés sociaux. Pour les lunettes, on peut penser que c’est pour cette raison que l’article L 4362-9 du code de la santé publique précise qu’ « aucun verre correcteur ne pourra être délivré à une personne âgée de moins de seize ans sans ordonnance médicale ». Pour les lentilles de contact, il est à noter que la jurisprudence française considère toujours que leur adaptation est un acte médical. Ce n’est pas un hasard. Il arrive encore parfois que la protection de la santé publique prenne le pas sur les intérêts commerciaux.

Une ordonnance est une prescription médicale. À ce titre, il ne s’agit pas d’un simple « bon de remboursement ». Elle résulte d’un interrogatoire, d’un examen médical, d’une réflexion basée sur la formation et l’expérience et si nécessaire d’examens complémentaires ou d’actes médico-chirurgicaux. La simplicité apparente de l’examen n’est pas pour autant le reflet d’un acte pouvant être réalisé par une personne moins qualifiée. Il en va de même du renouvellement d’une prescription. Dans un cas comme dans l’autre, la remise de l’ordonnance s’accompagne d’informations et engage la responsabilité du médecin sur les produits qu’il prescrit.
Le patient reste, bien entendu, libre de suivre ou non la prescription, mais il doit être alors conscient du risque qu’il encourt en ce faisant. Avant d’être un client et un consommateur, l’acheteur doit se considérer comme un patient. Le droit de substitution n’existe que pour les médicaments, il n’a pas cours pour les dispositifs médicaux. L’opticien qui délivre un autre produit que celui prescrit, sans en informer le médecin, engage sa responsabilité propre.

Pour la première délivrance

Concernant les dispositifs médicaux, aucun texte ne définit une quelconque durée de validité de l’ordonnance pour la première délivrance des produits. De façon abusive, il est souvent expliqué que l’ordonnance doit dater de moins de trois mois. C’est faux. Il y a confusion avec l’article R 5132-22 du code de la santé publique qui concerne les médicaments des listes I et II et qui s’adresse aux pharmaciens. Ces derniers « ne sont autorisés à effectuer la première délivrance de ces médicaments que sur présentation d’une ordonnance datant de moins de trois mois. » Il n’est nulle part fait mention des dispositifs médicaux.
Auparavant l’article R 5208 du code de la santé publique faisait mention des opticiens-lunetiers. Ils ne pouvaient effectuer la première délivrance des « produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact » que si le patient était porteur d’une ordonnance datant de moins de trois mois. Cet article n’a pas été abrogé, mais lors de sa scission en deux (art. R 5132-21 et R 5132-22), les mentions relatives aux produits pour les lentilles de contact et aux opticiens-lunetiers ont disparu…

Une simple remarque : les textes sont une chose, le bon sens en est une autre. Si le patient attend plusieurs mois avant d’aller acheter l’équipement qui lui a été prescrit et pour peu que son état général ait changé (nouveau traitement, niveau de fatigue différent, évolution d’une maladie oculaire ou générale comme le diabète, croissance chez l’enfant ou vieillissement chez l’adulte), il ne doit pas s’étonner de ne pas être satisfait du résultat obtenu.

Pour le renouvellement

S’agissant des lunettes ou des lentilles de contact, l’ordonnance n’a pas de durée de validité en elle-même à partir du moment où la première délivrance a été effectuée et où le médecin n’a pas apposé de mention spéciale à ce sujet sur sa prescription. Alors que les conditions de renouvellement des produits d’entretien pour les lentilles de contact étaient prévues par le code de la santé publique, c’est dans les mêmes circonstances que celles expliquées concernant leur première délivrance qu’elles ont disparu. Pour les médicaments, la situation est totalement différente et les conditions de renouvellement sont prévues par le code de la santé publique. Rien n’indique qu’il faille transposer ces règles aux dispositifs médicaux dont font partie les lunettes, les lentilles de contact et leurs produits d’entretien.

Si l’on raisonne en termes d’économies de santé à court terme, on a tout intérêt à estimer que la durée de validité d’une ordonnance est la plus longue possible. Sont ainsi évitées des consultations chez l’ophtalmologiste, estimées comme coûteuses par un système de protection sociale mal en point. Si l’on s’intéresse à la santé publique ou d’économies de santé sur le long terme, il est évident que cette durée de validité doit être limitée dans le temps afin que l’ophtalmologiste, de par sa formation et son expérience, puisse jouer à plein son rôle dans la prévention de maladie grave comme le glaucome, la rétinopathie diabétique ou le mélanome choroïdien.

Pour le renouvellement des verres correcteurs, il faut néanmoins tenir compte de l’article L 4362-10 du code de la santé publique précisant que « les opticiens-lunetiers peuvent adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs datant de moins de trois ans dans des conditions fixées par décret, à l’exclusion de celles établies pour les personnes âgées de moins de seize ans et sauf opposition du médecin » et du décret n° 2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement et aux règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier mentionnant que « Dans le cadre d’un renouvellement, l’opticien-lunetier peut adapter la prescription médicale des verres correcteurs à condition que le prescripteur n’ait pas exclu la possibilité d’adaptation par une mention expresse portée sur l’ordonnance. Pour les patients atteints de presbytie, les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent sous réserve que le médecin ait prescrit la première correction de ce trouble de la vision. L’opticien-lunetier est tenu d’informer le médecin prescripteur lorsque la correction est différente de celle inscrite dans l’ordonnance initiale. »
Il n’est pas pour autant question de la durée de validité de l’ordonnance, mais de la possibilité offerte à l’opticien d’adapter les verres correcteurs à l’aide d’un nouvel examen de vue qui n’est pas un examen médical. L’ordonnance initiale ou son duplicata n’ayant pour but que d’attester de la date à partir de laquelle commence ce délai de trois ans.

Certains sont tentés de voir dans les mots « verres correcteurs » un terme générique pour les verres de lunettes et les lentilles de contact. C’est ignorer la législation européenne qui différencie la classe des verres correcteurs et des lentilles de contact correctrices en tant que dispositifs médicaux. C’est aussi méconnaître la jurisprudence qui reconnaît les lentilles de contact comme de véritables prothèses posées sur l’oeil. La Sécurité sociale l’indique d’ailleurs sur son site Ameli.fr : « les renouvellements de lentilles ne sont pas concernés par ce dispositif [décret n° 2007-553 du 13 avril 2007, ndlr]. Il n’y a donc pas de textes relatifs au renouvellement des lentilles de contact et de leurs produits d’entretien. En les renouvelant sans une ordonnance médicale récente, l’opticien engage donc sa responsabilité.

Pour ce qui est des conditions du renouvellement en lui-même, le lecteur trouvera plus de détails en lisant l’article intitulé « Renouvellement de la prescription de lunettes par l’opticien».

Pour le remboursement

Une nouvelle fois, il n’existe pas de textes spécifiques à la durée de validité d’une ordonnance de dispositif médical pour son remboursement. Extrapoler les articles du code de la Sécurité sociale concernant les médicaments et une durée de validité d’une ordonnance d’un an n’a aucun fondement, d’autant que la prise en charge des dispositifs médicaux à usage individuel et les dispositions générales relatives aux fournitures et appareils pris en charge au titre des prestations sanitaires ont leurs articles spécifiques (art. L et R 165-1 et suivants).

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