Pourquoi le prix des lunettes chez l’opticien n’est pas près de baisser
La chute de la rentabilité du secteur ne pousse pas les professionnels à consentir à de véritables baisse de prix. Les mutuelles, qui en ont fait un produit d’appel, n’y sont pas incitées non plus.
29,5 millions d’euros: voici le montant de l’amende que va devoir payer Optic 2000, le leader français du secteur de l’optique, à son concurrent Optical Center qui l’avait poursuivi en justice. Prononcée par le tribunal de commerce de Paris le 22 décembre 2014, cette condamnation sanctionne « l’optimisation de factures », une pratique qui gangrène la profession depuis déjà plusieurs années et qu’aurait effectué Optic 2000 en 2008. Elle pourrait amener l’opticien à mettre la clé sous la porte. Pour les mêmes faits, Alain Afflelou a aussi été condamné en 2012 à verser à Optical Center 1,2 million d’euros.
L’optimisation de factures consiste à ajuster le montant de la vente, à l’euro près, à celui de la garantie offerte par la complémentaire santé. Comme le prix des verres est mieux couvert que celui des montures, l’opticien surfacture les premiers afin d’absorber le coût des secondes. Certains opticiens sont même équipés d’un logiciel qui intègre les grilles tarifaires de près de 700 mutuelles et les aide à optimiser les factures. Si le prix des montures est affiché en magasin, celui des verres n’est mentionné que dans le catalogue du professionnel.
Des prix qui ne baissent pas
Et au final, tout le monde y trouve son compte. L’opticien fait grimper son chiffre d’affaires tandis que le client repart avec ses lunettes sans y trouver à redire. Mais ce n’est pas fini. Les opticiens usent d’autres combines pour continué à augmenter leur chiffre d’affaires sur le dos des mutuelles et, dans une moindre mesure, de la Sécurité Sociale. A l’instar de la promesse désormais réalisée par 80% des opticiens d’offrir une seconde, voir une troisième paire de lunettes, alors qu’en réalité le coût est répercuté sur le montant de la 1ère…
Une étude réalisée en 2013 par l’UFC-Que Choisir dénonçait déjà à l’époque les prix « les plus chers d’Europe » et les marges « exorbitantes » dégagées par les professionnels du secteur en France. L’Autorité de la concurrence et la Cour des comptes s’en sont également mêlés alors qu’un décret prévoit à partir d’août de plafonner à 450 euros le remboursement de lunettes à verres simples. Un montant beaucoup trop élevé en réalité pour obliger les professionnels à baisser les prix. « Tant que les remboursements seront hauts, les prix de l’optique ne baisseront pas », s’insurgeait Marc Simoncini, fondateur de Sensee (lunettes low cost sur internet) dans Le Figaro en mai.
Rentabilité du secteur en chute libre
Le sujet est d’autant plus brûlant que la rentabilité du secteur baisse. Avec plus de 2.000 nouveaux diplômés en optique par an, le nombre de boutiques n’a jamais été aussi élevé tandis que le chiffre d’affaires du secteur stagne (+,6% en 2014, à 5,858 milliards d’euros). D’après une étude GFK publiée mardi 24 mars, il s’est encore ouvert 333 magasins en 2014, portant à plus de 12.000 leur nombre, contre 7.700 en 2000. « C’est pernicieux car la baisse du chiffre d’affaires par magasin augmente la tentation de frauder. On arrive au bout du modèle », explique Marianne Binst, directrice de Santéclair qui assure notamment le contrôle des prestataires de santé.
« Le marché de l’optique affiche une quasi stabilité. Cette croissance est uniquement portée par l’accroissement du parc de magasins, le chiffre d’affaires moyen par opticien continuant toujours de chuter pour atteindre 487.000 euros » note les auteurs de l’étude GFK. Face à cette concurrence plus vive, il faut pousser au maximum les recettes. Un mouvement qui ne va pas vraiment dans le sens d’une baisse des prix. D’ailleurs, c’est le segment du haut de gamme qui pousse le marché.
Produit d’appel pour les mutuelles
Mais les mutuelles ont également leur part de responsabilité. Les modalités de remboursement des frais d’optique, comme ceux dentaires, largement mis en avant, sont devenus de véritables produits d’appel. Une voire deux paires par an sont « offertes » aux clients. En réalité, elles se rattrapent sur leurs tarifs qui ont augmenté de plus de 10% en deux ans. Chacun se renvoie la balle et veut sauver sa peau.
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