Le hard discount selon l’opticien Hans Anders


Depuis quatre ans, le lunetier néerlandais trouble le marché français de l’optique avec ses prix cassés. Un modèle low-cost qui rappelle celui de la grande distribution alimentaire.

C’est avec un slogan tapageur que Hans Anders a attaqué le marché français fin 2006 : «70% moins cher que les autres.» Réplique immédiate des ténors de la place : le Syndicat des opticiens sous enseigne (Synope) et six opticiens de la région Nord-Pas-de-Calais ont porté plainte pour publicité mensongère.

En novembre dernier, après deux ans de procédure, le tribunal de Lille a débouté les plaignants, qui ont aussitôt fait appel de cette décision. «Finalement, cela nous fait une belle publicité», ironise Etienne Varlet, le directeur du développement de Hans Anders.

Message limpide. Les concurrents voient rouge et on peut les comprendre. En deux ans, le discounter néerlandais, qui a ouvert son premier magasin aux Pays-Bas en 1981 – où il est aujourd’hui leader incontesté –, s’est développé à marche forcée.

La chaîne possède plus de 50 magasins en France, essentiellement dans le Nord, et compte en ouvrir une vingtaine en 2010. Surtout, elle a inauguré en mars 2008 un centre de meulage de verres et de logistique, à Reims, d’où sortent aujourd’hui plus de 1500 paires de lunettes par jour, et dont la capacité peut être portée à 4 000.

Le message est désormais limpide : le néerlandais ne se contentera pas de la portion congrue d’un appétissant gâteau estimé à 4,5 milliards d’euros. Ainsi, ce n’est pas moins de 750 magasins qu’il compte ouvrir à terme dans l’Hexagone. Une ambition qui a de quoi rendre nerveuse une profession qui semblait jusqu’ici à l’abri de ces empêcheurs de «marger» en rond. Selon les spécialistes, le taux de rentabilité net moyen du secteur dépasserait en effet les 20%. Comme le résume Guy-Noël Chatelin, associé chez OC&C Strategy Consultants, «ils foutent la trouille aux opticiens en place».

Une peur plutôt justifiée. «Partout où nous ouvrons, nous rencontrons un vrai succès», assure Etienne Varlet. Mais impossible d’obtenir le moindre chiffre. Le groupe, actuellement détenu par le fonds d’investissement néerlandais Gilde, veut consolider son développement avec un nouvel investisseur auquel il réservera la primeur de ses résultats financiers.

Le rythme d’ouverture des points de vente est cependant un indicateur de bonne santé qui ne trompe pas. Il faut dire que le terrain est propice. Le prix moyen pour une paire de lunettes unifocales est de 200 euros et de 500 euros pour des progressives, selon un récent rapport du ministère de la Santé.

Or la Sécurité sociale rembourse environ 6 euros et les mutuelles en moyenne 104 euros pour les unifocales. «Les verriers vendent cher, les opticiens aussi, et les mutuelles épongent en se rattrapant sur le montant des cotisations», analyse un expert du secteur. «Savez-vous que 18% des Français vont jusqu’à renoncer à commander des lunettes faute de moyens ?» renchérit Etienne Varlet.

Magasins dépouillés. Le secret du néerlandais pour proposer des prix si bas ? Economies maximales à tous les étages. A commencer par les emplacements des magasins, qui sont de deuxième, voire de troisième catégorie, pour profiter de loyers modérés. L’aménagement est lui aussi marqué du sceau de l’austérité : déco minimaliste et mobilier standardisé.

Pas d’écran plasma pour vanter, avec force spots, les mérites des grandes marques. Et pour cause, la chaîne n’en vend pas. Elle propose 1 000 montures au prix unique de 35 euros, constamment réassorties par une équipe d’acheteurs chargée de dénicher les lots les moins chers possible à travers le monde.

Le nombre d’employés par point de vente – 1,5 salarié équivalent temps plein en moyenne – a également été calculé au plus juste. «Nous avons réussi à économiser un poste à temps plein par magasin en supprimant le fastidieux travail de liaison avec les mutuelles», souligne Etienne Varlet. De fait, dans une boutique classique, le premier geste du vendeur est d’appeler la mutuelle du client pour connaître le montant maximal de remboursement.

Chez Hans Anders, la question ne se pose pas. Il n’existe que deux tarifs : 100 et 160 euros, selon que vous voulez des lunettes unifocales ou des progressives. Selon la même logique, aucun montage n’est fait en magasin, contrairement à une pratique encore courante chez les opticiens. Ceux-ci sont effectués dans le laboratoire de Reims.

«On a essayé d’externaliser le maximum de tâches, afin que l’opticien se consacre essentiellement aux clients», explique Hans Zoon, directeur général délégué de Hans Anders France. «Pour l’approvisionnement, nous ne travaillons qu’avec des marques blanches», révèle Etienne Varlet. En clair, les verres viennent de grands fabricants comme Essilor – ils sont donc de la même qualité que chez les concurrents –, mais ils ne sont pas signés. Un deal qui permet aux fabricants de faire tourner à plein leurs usines et à Hans Anders d’obtenir les meilleurs prix.

Enfin, la politique marketing est aussi simple qu’efficace : la société arrose les boîtes aux lettres de prospectus (6 millions en 2008) lors des ouvertures de magasin, avec l’appui de quelques encarts dans la presse locale. L’accroche ? La paire de lunettes unifocales à 45 euros et la progressive à 80 euros pendant deux jours. Effet garanti. Le bouche-à-oreille fait le reste. Rien à voir avec des chaînes qui dépensent entre 15 et 25 millions d’euros par an pour se payer des pubs avec Zidane ou Johnny. «Au final, c’est le client qui paie», souligne Hans Zoon.

Autre point fort pour attirer le chaland : l’examen gratuit de la vue. Un véritable atout dans un pays où l’on doit attendre entre deux et six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmo. Problème : la loi interdit aux opticiens d’en faire la publicité et ils ne peuvent pas rédiger d’ordonnance, mais juste l’adapter (par exemple, quand le client a perdu un dixième depuis son dernier rendez-vous).

Mutuelles appâtées. Tout semble donc réuni pour que l’enseigne batave s’installe durablement. Surtout si les mutuelles suivent l’exemple de Mutualia Nord de France, qui a passé un partenariat avec Hans Anders en octobre dernier. «Cela nous permet d’indiquer à nos clients et à nos prospects que l’on rembourse 100% des dépenses faites chez eux», explique Georges Gave, directeur de la mutuelle nordiste. Commercialement efficace et financièrement intéressant, puisque la mutuelle réduit ainsi de façon substantielle le montant de ses remboursements.

Mais les opérateurs historiques n’ont pas dit leur dernier mot. Ils pourraient bien mettre la pression sur les élus locaux avec un vieil argument : «Le développement de Hans Anders aux dépens des opticiens traditionnels serait destructeur d’emplois», estime Frédéric Boublil, directeur chargé de la distribution chez Solving Efeso. Quand Alain Afflelou a débarqué dans les années 1970 avec son slogan «La moitié de votre monture à l’œil», il a, lui aussi, reçu une volée de bois vert avant d’être copié par les autres. Un signe : Guildinvest, le propriétaire de Krys, a lancé fin 2007 Lun’s eyewear, une enseigne low-cost.

Source : Capital.fr

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Un commentaire sur “Le hard discount selon l’opticien Hans Anders”

  1. […] hausse constante, est proche de 12 000, un nouvel acteur s’installe. Le groupe néerlandais Hans Anders a ouvert près de 50 boutiques fin octobre et il prévoit de doubler la mise d’ici à trois […]

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