Remboursement des lunettes : opticiens, nous n’avons pas à avoir honte de nos marges


Marisol Touraine a assuré qu’il n’y aurait pas de déremboursement des lunettes par l’assurance maladie, comme l’envisageait la Cour des comptes. Pour autant, la ministre de la Santé a souligné qu’il y avait « des marges importantes dans l’optique qu’on est en droit de questionner ». Pour Alain Gerbel, président de la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF), les « truands » ne sont pas ceux qu’on désigne.

Remboursement des lunettes : opticiens, nous n'avons pas à avoir honte de nos margesLes marges que nous nous faisons, nous opticiens, nous n’avons pas à en rougir ni à les justifier. Notre système serait « opaque », alors que nous sommes la seule profession en France à avoir l’obligation d’établir un devis préalable à la vente.

Comment peut-on qualifier de manque de transparence cette liste où l’on trouve le nom de verre, celui du fabricant, le diamètre, les indices… ? Nous sommes contrôlés par la répression des fraudes et il n’y a pas un seul opticien qui ne se soumet pas à cette règle, qui existe depuis 1997 et a été d’ailleurs demandée par la profession.

Qui se fait une marge ? L’assureur !

Quand les contrats des complémentaires santé remboursent moins de 50 euros en optique annuellement, ce qui est inférieur au prix moyen d’un équipement dans le cadre de la CMU, comment peut-on penser que nous sommes les truands ? Quand 30% des Français ont besoin d’une garantie optique et que le renouvellement moyen de lunettes est à trois ans, cela veut dire que, chaque année, sur dix garanties vendues, seule une est utilisée : qui se fait une marge ? Pas l’opticien, mais l’assureur !

On parle de la cherté d’un dispositif, alors que nous avons une industrie de pointe, que la population est suivie par les ophtalmologistes, que nous avons une qualité de prise en charge de la santé visuelle inégalée dans le monde… Est-ce bien sérieux ? N’oublions pas que c’est une question de santé publique.

N’oublions pas non plus que la notion de prix intègre une fourniture mais également une prestation. Si l’on veut que les deux soient de qualité, cela se paye. Ceux qui osent comparer avec les prix pratiqués dans d’autres pays feraient bien de comparer des prix hors taxe, la TVA n’étant pas la même partout – en Belgique et au Luxembourg, les lunettes en sont exonérées, en Espagne la taxe est d’environ 7% mais de 19,6 et bientôt 20% en France.

Aucune cohérence scientifique

Quant aux chiffres que l’on retrouve dans le rapport de la Cour des comptes, ce sont ceux d’une enquête de « Que Choisir » ! Cette enquête a établi un prix moyen à partir de plusieurs études et de sources que l’on ne peut toutes vérifier : CNAMTS, GFK, Insee et Alcimed, enquête dont le contenu est secret. Aucune cohérence scientifique là-dedans.

Une paire de lunettes serait vendue en moyenne 470 euros TTC (selon « Que Choisir », p.16 du PDF), alors que, si on lit la page 404 du rapport de la Cour des comptes, l’équipement unifocal (les verres simples), qui correspond à 66% des verres vendus, coûte en moyenne 304 euros, et les verres progressifs, qui correspondent aux 34% restant, coûtent 589 euros. Le calcul est simple : (589 x 34 + 304 x 66) / 100 = 400 euros, soit un prix moins élevé de 15% !

Diviser les 10 millions d’équipements annuels facturés à la Sécurité sociale par le chiffre d’affaires de la profession d’opticiens (un peu plus de 4 milliards) n’a pas beaucoup de sens. Il n’y a pas que les lunettes, mais aussi les lentilles et d’autres produits d’optique dans le CA remboursé des opticiens.

Désengagement de l’État

En fait, parler du prix des lunettes est une tentative de justification de l’abandon de la couverture optique au profit du privé. On peut y voir une tentative d’y transférer d’autres pans de la protection sociale. On assiste à un véritable désengagement de l’État, une déconstruction du système de santé.

La vraie question qu’il faut se poser, c’est comment se fait-il que ce rapport intervienne au moment où le panier optique est en négociation dans le cadre de l’article 1 de l’accord national interprofessionnel loi ? Le gouvernement ne serait-il pas en train de tenter de casser le marché pour amener le remboursement à 200 euros tous les deux ans ?

Plutôt que de rédiger des amendements supprimant l’obligation d’être diplômé pour tenir un magasin d’optique, réglementons davantage la profession. Allons vers une table ronde. La Fédération demande l’ouverture d’un débat sur la santé visuelle.

Source: www.nouvelobs.com

Autres articles:


Articles récents:


Articles sur le même sujet:

Tags: , , , , ,

Laisser un commentaire