Lunettes : La vocation de la Sécurité sociale n’est pas de rembourser des montures de mode


Interview: Le spécialiste du marché de l’optique Pascal Perri décrypte le rapport de la Cour des comptes qui plaide pour un déremboursement des lunettes.

Lunettes : La vocation de la Sécurité sociale n’est pas de rembourser des montures de modeA la tête du cabinet de conjoncture PNC, Pascal Perri est l’auteur du récent Rien que pour vos yeux (Editions Anne Carrière), enquête à charge sur les pratiques des opticiens en France. Un livre vite retiré du commerce à la demande de la chaîne d’opticiens Atol qui revendique la paternité de ce slogan. Pascal Perri se félicite que la Cour des comptes dénonce à son tour l’opacité de ce marché de 5,3 milliards d’euros dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale. Entretien.

Comment réagissez-vous à la publication du rapport de la Cour des comptes ?
Ce rapport montre l’hypocrisie du système actuel de remboursement des soins d’optique. C’est un jeu de dupes entre les grands réseaux d’opticiens et les mutuelles qui se fait sur le dos des assurés sociaux. Depuis que la sécurité sociale s’est largement désengagée des lunettes, les mutuelles en ont fait un produit d’appel. Il y a bien évidemment une contrepartie.

Que voulez-vous dire ?
Les lunettes qui sont de plus en chères sont plutôt bien remboursées [par les mutuelles] mais cela se fait au détriment d’autres actes médicaux. C’est parce qu’on rembourse très bien les lunettes que d’autres soins sont moins bien pris en charge. Le monde de l’optique a fait son beurre en associant un besoin médical bien réel, celui de mieux voir avec des verres correcteurs, avec le monde de la mode et des tendances. Or la vocation de la sécu n’est pas de rembourser des montures de mode, ce que la Cour des comptes rappelle dans son rapport avec force.

Vous dénoncez le développement anormal du secteur ces dernières années ?
Le système est en effet très inflationniste et la part grandissante prise par les complémentaires dans le remboursement des lunettes est à l’origine de cette hausse continue des prix. Le nombre d’opticiens ne cesse de progresser en France, pays où les prix et les taux d’équipement sont supérieurs à la moyenne européenne.

Lunettes : La vocation de la Sécu n'est pas de rembourser des montures de mode

Pourquoi l’optique continue-t-elle de se développer ?
La profitabilité du système est extraordinaire avec des marges qui, pour des montures à la mode, atteignent des montants colossaux. Dans la plupart des magasins, il suffit en réalité de vendre entre 3 et 6 paires par jour et même moins parfois pour équilibrer l’exploitation. Comme le fait remarquer la Cour des comptes, ce système fonctionne dans la plus grande opacité. Si les prix des montures sont affichés, ce n’est jamais le cas pour le prix des verres dont le marché est quasiment entièrement contrôlé par un seul fabricant en France, Essilor. La réalité, c’est que l’assuré paie trois fois pour ses lunettes. Via la sécu, la mutuelle et le solde qu’il lui reste à payer. Résultat, deux millions de Français renoncent à des lunettes pour une question de prix. Quand les grandes chaînes d’opticiens qui contrôlent une bonne partie du marché français disent qu’ils ont des forfaits adaptés à toutes les bourses, ce n’est pas vrai.

Source: www.liberation.fr

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