Les opticiens en ligne partent à l’assaut d’un marché juteux


Depuis 2009, une poignée de sites internet lorgne le mirifique gâteau des enseignes d’optique. Avec un atout de poids : des prix imbattables !

Pas la peine d’avoir une vue perçante pour deviner ce qui se trame dans l’horizon des opticiens. Laurent Maucort, directeur général de Krys, n’a eu qu’à surfer sur le Net. Direct-Optic.fr, happyview.fr, designerseven.com… Ces derniers mois, il a vu les e-opticiens pousser comme des champignons ! « Leur part de marché est encore marginale, mais elle grandit à vue d’oeil », déplore le patron du plus grand réseau d’opticiens de France. Résultat, Laurent Maucort s’est déjà fixé comme objectif de lancer son propre site de vente en ligne avant la fin de l’année.

Supprimer les intermédiaires

Mais si les opticiens songent à internet, c’est la mort dans l’âme. Car leur marché est l’un des plus juteux de la distribution française aujourd’hui. « Un bon lunetier, sans être un commerçant exceptionnel, s’en tire avec une marge brute de 60 à 70 % », confie un connaisseur du secteur. À titre de comparaison, les grandes surfaces alimentaires tournaient autour de 14 % en 2006, selon l’Insee. En 2008, 10 000 points de vente se sont partagé ce marché de 5,08 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires moyen supérieur à 500 000 E. Pas mal pour une boutique de quartier…

C’est ce filon qui a attisé la convoitise d’Emmanuel Gréau et de Karim Khouider, créateurs de Direct-Optic.fr. En mars 2008, les deux amis, alors âgés de 25 ans, travaillent pour Faurecia en Corée du Sud. « Là-bas, les lunettes sont beaucoup moins chères qu’en France, explique Emmanuel Gréau, aujourd’hui installé à Nantes. Quand nous avons vu que des sites anglo-saxons se mettaient à vendre de l’optique, nous avons tout de suite eu envie d’en faire autant. » Surtout, ils ont profité d’être en Asie pour nouer des relations avec leurs futurs fournisseurs.

L’objectif est de supprimer les intermédiaires pour casser les prix. Cette stratégie leur a permis de réduire le panier moyen de leurs clients à 230 E, quand la moyenne du marché est proche de 330 E.

Bien sûr, à ce prix, il faut faire une croix sur les dernières montures Dior à la mode. Lancé en mai 2009, happyview.fr propose même des lunettes à sa marque. « Mais je m’approvisionne aux mêmes sources que les autres », précise Marc Adamowicz, cofondateur et président du site. Sans compter que de nombreuses marques seraient sur le point d’étoffer son catalogue.

Une approche didactique

Quant aux consommateurs qui ne veulent pas attendre, ils peuvent se rabattre sur un site comme Designerseven.com. Ici, pas d’optique, mais des montures de marques à prix cassés (fin de stock, déstockage, etc.).
Le b.a.-ba de l’e-commerce low-cost ? Pas tout à fait. En plus d’être un accessoire de mode, les lunettes restent un marché de matériel médical, comme l’atteste l’agrément de la Sécurité sociale figurant sur certains sites. Prenons par exemple les systèmes d’essai virtuel des montures, tous les sites en ont un. Sur une photo standard – ou la leur s’ils la téléchargent -, les clients peuvent faire apparaître la paire de leur choix, histoire de se faire une idée de leur futur look. Mais comment savoir si elles ne feront pas mal aux oreilles, ou ne tomberont pas sur le nez ? Pas de souci, pour 3 E, happyview.fr envoie une paire de lunettes aux clients par la Poste. Ils peuvent ensuite l’essayer pendant une semaine et la renvoyer dans l’enveloppe pré-affranchie qui leur est donnée. Quant au site Direct-Optic.fr, il apprend carrément aux clients à décrypter les chiffres inscrits à l’intérieur des branches de lunettes. Largeur des verres, du « pont » (le nez), longueur des branches… La plupart du temps, tout y est.

En revanche, on y voit nettement moins clair en ce qui concerne les verres. Et tous les ophtalmologues ne voient ça pas d’un bon oeil. « Pour les unifocaux, on peut à la limite envisager de commander en ligne, estime le docteur Marielle Marsault, qui exerce à Paris depuis une trentaine d’années. Mais pour les progressifs, ce n’est pas sérieux. » En cause, les nombreuses mesures qu’il faut prendre pour tester le confort de vision. « Dans les magasins Krys, on fait entre trois et six tests avant de choisir le meilleur type de verres, assure Laurent Maucort. D’ailleurs, à court terme, nous ne ferons pas de progressifs en ligne sans qu’il y ait un contact avec un opticien. » Happyview.fr, pour sa part, botte en touche. « Je ne connais que deux mesures, réfute Marc Adamowicz. Celle de la distance entre l’oeil et la monture, et surtout celle entre l’oeil et le nez, l’écart pupillaire. » Aussi les e-opticiens proposent-ils diverses manières de le mesurer, dont aucune n’est vraiment satisfaisante. Se référer à sa dernière facture d’opticien ? Risqué, l’écart pupillaire peut changer avec le temps. Demander à son ophtalmologue ? Tous ne savent pas le mesurer. Etc.

Se lier à un réseau

Même s’ils jurent que non, les opticiens en ligne ont conscience de ce défaut de service. Et regardent d’un oeil noir les 850 magasins du réseau Krys qui travailleront main dans la main avec leur futur site maison. Résultat, Direct-Optic.fr a ouvert un premier magasin en septembre 2009 à Nantes. « Nous poursuivons notre développement par la création d’une chaîne de magasins de proximité partenaire du site. Ils seront à l’enseigne Éco Optic et positionnés sur un créneau différent, non low-cost », explique Emmanuel Gréau. Happyview.fr n’envisage pas de réseau en propre, mais compte déjà une vingtaine de points de vente partenaires aujourd’hui, avec un objectif de 200 pour la fin de l’année.

Source: www.lsa-conso.fr

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