Faut-il renforcer les formations médicales dans le secteur de l’optique ?
Plutôt que de bouleverser les cursus en place, méthode qui ne portera ses fruits qu’à moyen ou long terme, les pouvoirs publics envisagent de recourir aux compétences immédiatement disponibles. La généralisation de la collaboration entre ophtalmologistes et opticiens, déjà existante dans les faits, devrait ainsi s’imposer comme une nécessité, compte tenu des besoins criants de la filière en personnels qualifiés.
Les délais d’attente pour une consultation auprès d’un ophtalmologiste sont les plus longs de tout le secteur médical : de quatre à douze mois selon les régions. Le problème a pris des proportions telles que plus d’un Français sur deux renoncerait à une consultation du fait de ces délais. Mais pour autant, il semblerait que les porteurs de lunettes et de lentilles conservent un comportement responsable : malgré la profusion des offres en ligne, l’avis d’un spécialiste reste essentiel aux yeux de la majorité. Dans le domaine spécifique de la contactologie, une étude de Bausch & Lomb permet ainsi de conclure que « contrairement à ce que l’on pourrait croire avec l’essor de la vente en ligne, l’opticien reste toujours un référent en matière de contactologie ». La raison en est simple : lunettes et lentilles ne sont pas des biens de consommation ordinaires.
Depuis plus de 30 ans, une lentille est considérée comme une « prothèse » et leur adaptation comme un « acte médical ». L’usager n’a pas forcément conscience des désignations légales des produits qu’il utilise, mais aucun d’entre eux ne doute du fait que lentilles et lunettes, pour autant qu’elles répondent à une finalité de correction visuelle, sont des dispositifs médicaux exigeant prescription, conseil et suivi par un spécialiste. L’hémorragie du nombre d’ophtalmologistes, alors que la population augmente et vieillit, va pourtant poser des difficultés croissantes.
Certains, à l’instar du député Gérard Bapt, voient dans la reconnaissance de l’optométrie une solution à cette pénurie de personnels. Les débats en cours achoppent pourtant généralement sur le même écueil : la formation d’optométriste, d’essence scientifique, n’inclue pas de volet médical. Un manque d’autant plus préjudiciable que l’ensemble de la filière optique est sous pression. Mais le problème de la reconnaissance de l’optométrie n’est pas le seul à agiter la filière : même formés dans le domaine médical, les optométristes seraient encore en nombre insuffisant pour pallier à un manque criant en offre de soins. Donc, plus qu’un renforcement des formations médicales d’un nombre trop restreint de spécialistes dont l’arrivée sur le marché sera de toute façon trop tardive, il pourrait être plus utile de s’appuyer sur une ressource qui existe déjà : les orthoptistes et les opticiens. C’est l’essence même du projet porté par Marisol Touraine depuis décembre 2012, suivant l’esprit et la lettre du 8ème engagement du « Pacte territoire-santé », présenté à ce moment : « accélérer les transferts de compétences ». Cette disposition est vue comme un remède à la désertification médicale de certaines zones mais aussi à la raréfaction de l’offre dans certaines spécialités, dont les ophtalmologistes.
Seul problème, les orthoptistes exercent dans une majorité des cas au sein des cabinets d’ophtalmologistes : la délégation de compétences allège la charge reposant sur les ophtalmologistes mais pas sur les cabinets, et cela ne résout pas le problème des déserts médicaux. Les orthoptistes ont de plus leurs propres difficultés à faire reconnaitre la validité de leur formation, concernant notamment leur accession au grade de master. Restent les opticiens, qui depuis la Loi de Finance de la Sécurité Sociale de 2007, peuvent « dans le cadre d’un renouvellement, adapter les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs datant de moins de trois ans dans des conditions fixées par décret, à l’exclusion de celles établies pour les personnes de moins de seize ans ». Depuis que sont en vigueur ces nouvelles dispositions, les opticiens lunetiers ont ainsi renforcé leurs formations, de manière à pouvoir exercer leurs nouvelles prérogatives, mais toujours sous le contrôle étroit des ophtalmologistes et des autorités de santé. « Il faut s’unir en une seule et même voix, et travailler en partenariat avec les ophtalmologistes », déclare par exemple Laurent Lévy, PDG d’Optical Center. Son appel et celui de ses confrères semble être progressivement entendu. Selon une étude UPML Rhônes Alpes réalisée en 2006, 40% des ophtalmologistes ont déjà prescrit des vérifications à faire pratiquer par des opticiens.
Or il est possible de renforcer encore ce partenariat entre opticiens et ophtalmologistes, tout en répondant aux impératifs de la filière : l’allongement de la durée de validité de l’ordonnance (à trois ans contre une année en moyenne actuellement) est une piste possible, l’élargissement des compétences déléguées en est une autre. La première solution reviendrait à permettre aux opticiens de modifier et d’ajuster les corrections à intervalles réguliers, sans interférer avec les prescriptions concernant les caractéristiques de la lentille. La seconde consisterait à déléguer d’autres tâches vers les opticiens, notamment celles relevant d’examens plus « techniques » que médicaux. Le tout serait réalisé en étroite collaboration avec les ophtalmologistes et rigoureusement encadré d’un point de vue réglementaire.
L’urgence de la situation, et les enjeux de santé publique que cette situation représente, ne permettent plus de planifier des demi-mesures dont les résultats ne se feraient pas sentir avant des années. Des solutions viables existent d’ores et déjà, mais elles sont davantage le fruit d’un vide juridique et de la nécessité, que d’une réelle volonté des pouvoirs publics d’apporter une réponse à cette problématique de santé. Les lois à venir devraient permettre de remédier à cet état de fait.
Un lecteur anonyme pour La rédaction
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