Alain Afflelou: On peut s’attendre à une grosse casse sur le marché de l’optique


L’opticien, 204 ème fortune française selon le magazine Challenges, vit désormais à Londres. Mais il vient souvent à Paris. Et va bientôt aller inaugurer un nouveau magasin à Alger. Un retour aux sources pour ce pied-noir. L’occasion d’évoquer son enfance, le marché « fou » de l’optique et la politique.

Alain Afflelou: On peut s'attendre à une grosse casse sur le marché de l'optiqueLE FIGARO – Vous ouvrez un magasin en Algérie où vous avez vécu jusqu’à l’age de 14 ans. Il existe près de 1200 enseignes Afflelou dans le monde. Celle-ci est-elle particulière pour vous ?
Alain AFFLELOU – Alain AFFLELOU. – Un magasin à Alger, c’est très symbolique. Pourtant, je n’ ai jamais mis les pieds. Je suis né à Mascara. Ma famille vivait à Sidi Bel Abbès, où mes parents étaient boulangers, à 500 km d’Alger. Les parcourir sur des routes chaotiques, avec des voitures qui chauffaient tous les 30 kilomètres, n’était pas très confortable. En revanche, mes parents étaient partis en voyage de noces à Alger et, pour les vacances, nous allions à Vichy. Comme beaucoup de pieds-noirs, on y « faisait la cure ».

Est-ce compliqué d’ouvrir un commerce en Algérie?
La guerre est finie depuis 51 ans, mais il n’y à pas un pied-noir qui ne dise : « Peut-on y aller ? Est-ce sûr ?» Les pieds-noirs n’ont pas eu le temps de digérer l’idée qu’ils pouvaient retourner en Algérie
avant que l’époque du FIS et du GIA n’ensanglante le pays. On m’a déconseillé de le faire pour des raisons de sécurité. Nous avons pu ouvrir après pas mal de démarches et d’autorisations Mais je crois que les Algériens sont fiers qu’Alain Afflelou soit d’Algérie.

Vous êtes installé à Londres depuis fin 2012.Vous n’avez pas quitté la France, où vous payez toujours des impôts, pour des raisons fiscales, mais pour des projets avec votre actionnaire majoritaire, le fonds britannique Lion Capital ? Qu’en est-il ?
Nous avons des projets en Europe du Nord et une perspective de développement beaucoup plus importante, toujours dans l’optique, qui doit aboutir en avril-mai.

Entre Londres et Paris,où sont les différences ?
Je trouve davantage d’énergie à Londres, même si Paris reste incomparable sur le plan esthétique. Et puis Londres me permet de vivre comme je n’en avais plus l’habitude. Là-bas, je retombe dans
l’anonymat je peux aller dans des expositions, des galeries et regarder des tableaux sans que des gens m’abordent pour tenter de me les vendre.

La Cour des comptes a dénoncé les dérives du marché de l’optique et UFC-Que Choisir a expliqué que, grâce à leurs fortes marges, les opticiens pouvaient se contenter de vendre trois paires de lunettes par jour pour être rentables. N’avez vous pas largement participé à cette sur consommation de lunettes ?
Ce sont les mutuelles et les assurances complémentaires qui, depuis 15 ans, se sont ruées sur ce marché en faisant de la publicité promettant de rembourser une paire par an alors qu’avant, les gens en achetaient une tous les trois ou quatre ans. Quand vous affirmez aux gens: « Normalement, ça vaut cher, mais, là, vous n’aurez rien à payer », vous entrez dans un système de corruption et de pollution. Et de falsification de factures, où des opticiens montent artificiellement le prix des verres pour mieux faire rembourser la monture. Certains ont même pu dire : « Votre mari n’a pas besoin de lunettes? Faites passer vos lunettes de soleil sur sa mutuelle. » Une gabegie! Les premiers à en avoir profité sont les consommateurs, car leurs lunettes étaient « gratuites ».

Comment assainir ce marché ?
On a faussé le marché. On n’a jamais eu autant d’opticiens et tout le monde est mis dans le même sac. Les remboursements sont devenus de plus en plus importants et automatiques, les produits de plus en plus sophistiqués. Peut-être parfois de façon inutile en mettant des verres qui sont des Rolls à des personnes qui n’auraient besoin que d’une Smart. Mais quand vous ne payez pas… On peut s’attendre à une grosse casse.

Vous avez fait des études d’optométrie. Sauriez-vous encore vendre des lunettes ?
J’ai choisi ce métier non par vocation, mais pour quitter ma famille, Bordeaux, et gagner mon autonomie. J’aurais aussi bien pu être charcutier. Opticien, c’est un beau métier que je connais encore par
cœur. Je sais faire un examen de vue, faire des lunettes, conseiller. C’est gratifiant.

Avez-vous revu Nicolas Sarkozy depuis 2012?
À la télévision, oui ! J’ai été un fervent supporteur en 2007 comme en 2012, car je pensais qu’il était dans l’intérêt de la France de le garder. Mais il n’a sans doute pas su vendre ce qu’il a fait en 2008, quand il a sauvé la France et l’Europe de la crise.

Auriez-vous pu faire de la politique ?
Le RPR m’avait demandé de me présenter aux législatives en 1993. Ma femme m’avait dit : « Si tu y vas, tu vas réussir, mais tu n’es pas fait pour cette vie.» Maurice Lévy, le PDG de Publicis, m’a dit un jour : «Alain, vous avez un grand miroir dans votre chambre ? Rentrez chez vous et dites-vous : si je fais de la politique, c’est pour telle raison. » Et je me suis rendu compte que si je me lançais en politique, ce n’était que pour les honneurs ! J’avais le pouvoir et la réussite, qu’allais-je chercher ? Des emmerdes ?

Source Le Figaro.fr

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