Bernard Moyen dénonce des opticiens aux pratiques pourries


Sa société de Mesnois n’existera plus à la fin du mois. La crise et la concurrence l’ont terrassé, mais le lunetier jurassien dit tout le mal qu’il pense des pratiques de la luneterie.

l était sûr d’avoir fait les bons choix, d’avoir pris les bonnes décisions. Le milieu de la lunette, il le connaissait depuis 37 ans. Avec son petit diplôme de technicien, il avait réalisé son rêve dès 1973 en accédant à la grande famille des lunetiers jurassiens : « c’était la pleine euphorie, on ne trouvait pas de main-d’œuvre technique qualifiée et on donnait des promotions à n’importe qui. C’était une vraie rupture avec les générations précédentes. Une catastrophe !»

Alors, il a suivi son bonhomme de chemin : « j’ai progressé avec des hauts et des bas, mais j’ai tout misé sur mon entreprise et j’ai pris des risques énormes qui ont payé ». Mais au fil du temps, le contexte change, la main-d’œuvre coûte de plus en plus cher jusqu’au jour où arrivent les 35 heures : « il a fallu trouver une nouvelle rentabilité. C’est là que certaines entreprises ont commencé à délocaliser pour avoir des coûts de production moins chers. Petit à petit, les lunettes jurassiennes se sont fabriquées en Chine et les entreprises ont diminué le personnel ». Si les fabricants ont commencé à être à la peine, c’est aussi parce que, historiquement, leur marge a toujours été réduite. Par contre, les distributeurs, eux, ont continué à gagner beaucoup d’argent. Certains Jurassiens, comme Oxybis, ont compris l’astuce, une partie des lunettes fabriquées en Asie était finie en France et vendues avec un label « Made in France ». Une façon de conserver la marge.

Sauf que les entreprises ont fermé les unes après les autres : « un autre phénomène a joué. Les opticiens se sont regroupés en centrales d’achat : Atoll, Kris n’achètent plus aux fabricants jurassiens, ils s’approvisionnent directement en Asie, sauf pour les griffes qui restent des niches, mais Lacoste, Kenzo vont chez les fabricants qui payent le plus de royalties. Quand on perd un client comme ça, il est très difficile de s’en remettre ». Bernard Moyen sait de quoi il parle, il a perdu Mikli parti fabriquer en Asie. La production s’est effondrée et quand il a voulu se réfugier dans une niche, sa commercialisation n’était pas à la hauteur : ça n’a pas pardonné. Liquidation !

Aujourd’hui, son constat est amer : « tout est faussé, on joue sur la communication. Atoll vend une relocalisation avec Ushuaïa qui représente à peine 5 % des ventes. Le marché français est pourri, il faudrait que le consommateur comprenne que quand il achète des lunettes, il achète surtout de la pub ! Aujourd’hui, des opticiens essaient de sortir de leur contrat pour reprendre leur autonomie, mais c’est difficile. S’ils jouent le jeu, de petites entreprises pourront encore vivre dans le Jura. Actuellement, le consommateur ne peut pas s’y retrouver. Je veux bien qu’on achète des lunettes en Chine, mais qu’on n’ait pas le culot de dire qu’elles sont fabriquées en France. Si au moins on mettait « fini en France » le consommateur pourrait choisir. Il faut en finir avec le faux « made in France », c’est voué à l’échec et tout ce qu’on va gagner, c’est une désertification de la production ».

Source: www.leprogres.fr

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